En lisant le bouquin de Pierre Journel, Internet et les
Réseaux Sociaux pour les Musiciens (voir chronique ici), je me suis fait une
bête réflexion : être musicien dans le milieu professionnel demande quand
même une quantité d’efforts impressionnante. Je dis bien « musicien dans
le milieu professionnel » pour m’inclure dans le lot : je ne suis pas
musicien professionnel puisque je ne mange pas grâce à ma musique. Je fais de
la musique avec de nombreuses activités qui ont toutes trait à la musique, mais
le fait de jouer de la guitare n’a pas mis le burger dans mon assiette. Mais
déjà à cette petite échelle, c’est un boulot complexe, protéiforme et surtout
très ingrat. Il faut déjà être bon à la base (donc travailler son instrument,
s’imprégner de plein de musiques, composer), mais surtout être disponible,
gérer les égos démesurés et les fiertés blessées, gérer sa présence virtuelle,
son visuel, booker ses concerts, essuyer de nombreux refus et faire face à des
critiques souvent infondées, le tout en gardant le sourire pour ne pas passer
pour un sale con, dire le moins de mal possible de tout le monde en sachant
bien que si votre interlocuteur balance de telles vacheries sur vos collègues
face à vous, il ne se gêne pas pour vous poignarder dès que vous avez le dos
tourné.
Pour résumer : c’est un boulot qui vole votre âme
exercé dans un milieu de putes. Et je n’ai même pas encore parlé de la torture
mentale d’avoir à jouer en studio (ce qui consiste à devoir donner le meilleur
de soi-même dans les conditions les moins naturelles possibles) ou l’horreur
physique d’une tournée dans des conditions modestes (dormir dans des deux
étoiles dans le meilleur des cas, manger des carottes râpées au Twix à chaque
repas…). Vous l’avez compris : objectivement, une personne normalement
constituée serait plus inspirée de se faire arracher les globes oculaires sans
anesthésie plutôt que de choisir cette occupation. Mais alors, pourquoi
certains persistent ? En d’autres termes : à quoi bon ?
C’est à la fois très simple lorsqu’on l’a déjà connu et
impossible à expliquer pour les autres : c’est ce plaisir ultime lorsque
le son est bon, lorsque le groupe est bon, lorsque le public est bon, et qu’une
note qui en temps normal serait passée inaperçue devient alors plus forte que
jamais, résume à elle toute seule l’univers pendant quelques millisecondes et
fait inévitablement oublier tout ce qu’il y autour. Le plaisir de partager la
musique, le plaisir de se perdre dans le moment sans penser à rien d’autre,
l’alchimie qui opère finalement sans autre raison apparente qu’elle-même. Parfois,
le bonheur est simple.
Bravo, ceci est juste vrai.
ReplyDeleteKeep on rockin !